lundi 11 janvier 2010

Le Havre et l'Automobile



On commencera d'abord par dire que Le Havre correspond à l'agglomération havraise. C'est la définition du 21 e siècle que j'adopte. Quant à l'automobile, cet objet est assez fréquent dans les rues pour que chacun sache de quoi il s'agit.

Les relations entre Le Havre et l'automobile ne semblent pas avoir fait l'objet d'une étude globale. Certes, l'industrie automobile dans la région havraise a parfois suscité l'attention ou la circulation de ces véhicules a provoqué des embouteillages d'articles dans la presse mais la réflexion globale autour de la ville du Havre et de la voiture reste à faire. On évoquera, après un rappel du passé, surtout les décennies 1960 à 2010 car ce sont celles qu'on connaît le mieux.

D'abord, il convient de rappeler qu'on part de zéro. Zéro automobile sur les premières cartes postales dans les années 1900. Les engins à moteur ne font pas partie du paysage et les piétons font la loi partout. Ils déambulent ou se posent dans tous les endroits. Les carrioles et diligences tirés par les chevaux causent parfois des accidents mais ils sont certainement plus rares que ceux provoqués plus tard par les automobiles.

C'est progressivement que la voiture fera son apparition au Havre. Elle est, comme partout, d'abord réservée aux catégories privilégiées. Elle sert aussi à des fonctions professionnelles. Jusque là, il n'y a pas vraiment de différence sensible entre ce qu'on constate au Havre et ailleurs.

La grande différence provient de la naissance d'une industrie automobile dans la région havraise. C'est à Sandouville en 1964. Plus exactement l'usine est localisée dans la zone industrielle près du grand canal. Ce n'est pas anodin de le rappeler dans la mesure où la ville de Sandouville se trouve plutôt en hauteur sur la falaise. C'est même étonnant que la notoriété de la marque concernée " Renault " rejaillisse sur une petite commune alors que le géant Le Havre se trouve à proximité. On a le même phénomène avec l'usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime, qui se trouve près d'Elbeuf. Est-ce à dire que Le Havre n'est jamais parvenu à intégrer que l'industrie automobile faisait partie de son identité ?

Il faut reconnaître que l'industrie automobile dépasse le cadre géographique traditionnel. Le personnel de Renault Sandouville appartient ou a appartenu à une vaste aire entourant l'usine. A plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, les employés viennent travailler. On a, dès les années 1960, la présence d'une industrie qui dépasse les frontières communales de Sandouville mais rayonne sur toute une région. Il s'agit dans ce domaine d'une véritable réussite.

Pourtant, un tel succès industriel, humain et technologique n'a pas été pleinement intégré au grand ensemble qu'est Le Havre. A titre d'exemples, une étude des affiches électorales des principaux élus havrais montrerait nettement plus souvent en arrière-plan un navire ou un bassin portuaire qu'une automobile. De même ( cela peut paraître anecdoctique), aucune bibliothèque du Havre ne possède le livre "Des voitures et des hommes, les vingt ans de Renault-Sandouville par Louis Géhin et Jean-Claude Poitou aux Editions La Découverte". Les relations qui existent entre Le Havre et la "galaxie Renault "sont souvent commerciales ( achat de véhicules auprès d'anciens employés de la RNUR - sigle qui signifie régie nationale des usines Renault ) ou conflictuelles ( envahissement du conseil municipal du Havre par des salariés en colère ) ou datées ( présence de nombreux retraités de Renault ) .

Il est vraiment dommage qu'une ville de la taille du Havre n'aie pas mis en valeur ce magnifique atout qu'est une industrie automobile. En Allemagne ou aux Etats-Unis, la civilisation de la "bagnole" a marqué certaines villes ( Detroit, Munich ). Il faut donc se demander pourquoi il existe un tel hiatus entre une ville et une de ses industries ?

D'abord, on reliera ce phénomène au décalage réel qui existe entre Le Havre et l'ensemble de ses indutries. Quel enfant, quel adolescent, quel adulte connaît assez bien les activités industrielles de sa ville ? Combien de personnes ont déjà visité une ou plusieurs entreprises de la zone industrielle ? Ensuite, la mise en valeur d'une entreprise au statut et à l'histoire aussi particuliers que Renault semble avoir indisposé certains. Peur de valoriser un syndicat ? Crainte de soutenir une entreprise d'Etat lorsque celui-ci n'est pas du même bord politique ? Eloignement, désintérêt, absence de profit à tirer d'une mise en valeur d'une entreprise ? La question reste posée.

La vente des automobiles produites mériterait à elle seule une étude mais la tendance récente est une concentration dans un même quartier de la plupart de la quasi-totalité des concessionnaires automobiles. Cette zone ou ce village de l'automobile a des aspects très positifs. Il permet en effet d'attirer une vaste clientèle qui peut comparer facilement et en peu de temps les modèles, les prix... Le secteur de l'occasion est plus élargi à l'ensemble de l'agglomération (Rouelles, Gainneville...). L'existence régulière d'un salon du véhicule d'occasion a aussi l' avantage de réunir au même endroit une grande quantité d'automobiles où le choix est aisé. Le développement d'Internet joue aussi un rôle grandissant dans le commerce et la publicité des véhicules automobiles dans la région havraise. Il s'agit d'un marché quasi-instantané dans lequel les acheteurs peuvent, en très peu de temps, prendre contact avec un vendeur.


Quant aux réparations d'automobiles, elles permettent à un certain nombre de garages de perdurer dans un grand nombre de quartiers de la ville. Leur existence est ancienne. Les garages continuent à vivre dans les quartiers car c'est en effet plus pratique, plus prudent et souvent indispensable de conduire son engin près de chez soi que de lui faire parcourir une grande distance avant d'être réparé. Les sociétés chargées des vitres, de l'électricité ou des pièces détachées de véhicules font vivre de nombreuses personnes.

Les stations-essence participent aussi à cette relation étroite qu'entretient une ville avec ses automobiles. La tendance depuis deux à trois décennies environ est à leur raréfaction. On citera aussi les personnes chargées de l'entretien des routes, du maintien des panneaux, des feux et de la signalisation. Les experts automobiles, les assureurs, les auto-écoles, les taxis, les loueurs, les agents du stationnement... vivent aussi du phénomène automobile. Les chers véhicules ont besoin de nettoyage dans de véritables laveries.

Le dernier secteur à s'occuper des automobiles comprend les démolitions appelées familièrement casses. Elles constituent à elles seules un véritable univers.

De l'usine au cimetière, il est possible de voir créer et détruire une automobile dans la région havraise. Mais la démolition n'est elle-même qu'une seconde vie puisque les matériaux seront recyclés. Les organes essentiels auront auparavant été enlevés et revendus.


Ce monde de l'automobiliste et de l'automobile est concerné par la dimension des voies routières, leur implantation, leur entretien, leur usage. par exemple, mal concevoir un plan de circulation ou un périphérique entraîne très rapidements des difficultés et des critiques...

Le Havre se trouve à la croisée des chemins aujourd'hui. Entre un moyen de transport nouveau, le tramway, et un véhicule du futur, une automobile d'un nouveau genre, qui verra le jour dans quelques années. Le poids de la balance pèse actuellement sur le premier plateau. Il serait profitable de peser également sur le second plateau. Un équilibre entre les transports en commun ( tramway, bus, cars...) et les transports individuels ( marche à pied, automobile ) reste à trouver.

Qu'on le veuille ou non, à moins d'une invention révolutionnaire, l'automobile demeurera indispensable pendant plusieurs décennies au Havre. Le développement des transports en commun est tout-à-fait souhaitable et bienvenu mais l'absence d'un véhicule individuel motorisé entraîne inévitablement une limitation des activités. Fabriquer une automobile propre, à prix et à énergie abordables, expérimenter enfin des solutions d'autopartage et développer des transports en commun adaptés sont des objectifs à atteindre.

On ne peut écarter la place de l'industrie automobile de la place qu'on accorde à ce type de locomotion. Il faut absolument piétonniser la ville mais il est nécessaire également de veiller à ce que l'automobile et l'automobiliste continuent à trouver leur place. Ces deux évolutions ont parfaitement intérêt à rester complémentaires.

Dans les années qui viennent le vieillissement de la population va s'accentuer considérablement. Trois solutions seraient alors, à mon avis, appréciables pour ces catégories de personnes : la marche dans un rayon proche de son domicile ( courses...), l'automobile ( conduite de porte à porte d'une personne ), des transports en commun adaptés (navette commune qui vient vous chercher à domicile...) . On pourrait imaginer des solutions de dépose-minute voire de voiturier ( laisser sa voiture à une personne qui va la placer dans un parking plus loin). Il est temps de faire preuve de solutions novatrices.

Les commentaires se font sur copoh