jeudi 12 mars 2009

La crise de 1929 et la Marine marchande française


Je vous livre un extrait d'un ancien travail universitaire personnel. Il concerne la crise de 1929 et ses répercussions sur la Marine marchande française.

" Les Compagnies de navigation furent touchées plus rapidement que le reste des Entreprises françaises car elles étaient très sensibles aux fluctuations du commerce extérieur. La Marine marchande dépendait, en totalité, sans le contrepoids du marché national, de convulsions économiques contre lesquelles elle ne pouvait rien : crise du blé, du café, du sucre, du coton, de la laine, du caoutchouc, des métaux, des changes.

La Marine de Commerce française souffrait, comme ses concurrentes étrangères, de la trop grande abondance du tonnage. En effet, la flotte mondiale était passée de 49 millions de tonneaux de jauge brute en 1913 à 70 millions en 1931, soit 39 % d'augmentation. Le tonnage, paquebots et navires de charge, mis en service depuis la Grande Guerre, avait augmenté dans des proportions considérables. On avait parlé de " folie des constructions" jusqu'en 1932. En particulier, le tonnage des nouveaux paquebots dépassait largement les besoins du trafic.

Au moment de la crise, beaucoup de Compagnies avaient en construction du matériel nouveau commandé pendant l'ère de prospérité. Une pléthore de tonnage s'ensuivit, croissant au fur et à mesure de l'entrée en service de ces bâtiments. Aussi, fallut-il désarmer. De 1928 à 1932, les facultés de cargaison mondiales inutilisées passèrent de 4 400 500 à 14 400 000 tonneaux. On peut estimer que les désarmements atteignirent en 1933 entre 20 et 25 % des capacités de transport maritime. La France subit rudement le choc puisque 33 % de ses navires furent immobilisés, soit un taux supérieur à celui de tout autre pays.

L'augmentation du tonnage s'était doublée d'un accroissement de capacité de transport, évalué entre 80 et 100 %. Il y avait aussi eu une amélioration de la vitesse des navires. Avant la Première Guerre mondiale, les cargos filaient en moyenne à 8 ou 9 noeuds. Depuis, des unités nouvelles, allant à plus de 12 noeuds, avaient fait leur apparition.

En réalité, la flotte de commerce mondiale avait atteint des sommets en matière de tonnage, de capacité et de rapidité au moment où le commerce international connaissait des niveaux très bas. Comme le montrent les statistiques, le trafic du canal de Suez baissa de 35 millions de tonnes à 23 entre 1919 et 1931. Panama n'était pas non plus épargné par la crise. Pendant la même période, le trafic passa de 31 millions de tonnes à 18. La crise mondiale touchait aussi les frets. Aussi, dès qu'un marché s'améliorait un grand tonnage se précipitait vers lui. On assistait aussitôt à une offre très forte pour une demande très petite. Les frets atteignaient alors des niveaux très bas. Si l'on prend l'indice 100 pour les taux de fret en 1913, il atteignait 96,8 en 1929; 79,07 en 1930; 79,05 en 1931; 75,04 en 1932.; 73,9 en 1933; 74,4 en 1935; 84,6 en 1936. La crise économique avait créé un déséquilibre entre la capacité des transports mondiaux et les besoins d'un trafic très réduit.

La crise mondiale de la marine marchande s'atténua à partir de 1936. En 1937, il était clair que la crise de la Marine de Commerce avait disparu. La flotte marchande mondiale avait atteint 70 millions de tonneaux en 1931. Elle avait fortement baissé puis était remonté à 65 millions de tonneaux en 1936. Les navires désarmés avaient disparu et les chantiers navals prospéraient. Mais ce secteur économique ne se remit pas de ce cataclysme. Les statistiques des canaux de Panama et de Suez montrent que, en 1937, comme en 1938, le trafic ne rattrapa pas celui de 1929. On remarque aussi que les échanges de marchandises sur l'Atlantique Nord baissèrent de 7,41% entre 1928 et 1937 : on passa de 405 millions de tonnes à 375 millions de tonnes.

La Marine marchande française souffrit de l'absence de dévaluation du franc de la part des gouvernements français. La chute de la livre, du dollar et d'un certain nombre d'autres monnaies, en 1931, permit aux armements étrangers, établissant leur prix de vente et leur pprix de revient en monnaie dépréciée, de concurrencer victorieusement la france, demeurée fidèle à l'étalon-or.

Les armateurs français prétendaient, en plus, que la crise de la Marine marchande était principalement imputable aux lois sociales. Ils pensaient que la réduction des heures de travail et les adoucissements apportés à la condition du personnel étaient la cause du rétrécissement des échanges internationaux et du désarmement.
Les barrières douanières qui protégeaient la majeure partie des Sociétés françaises étranglaient les Compagnies de navigation. La Marine marchande française était défavorisée par la politique protectionniste mise en place par différents gouvernements de l'époque. Les échanges internationaux diminuaient et la politique des contingentements nuisait à l'industrie maritime. La Marine de Commerce souffrait de la protection accordée aux autres industries françaises. Le Comité Central des Armateurs dénonça même la politique protectionniste de l'Etat. "

En photo : une vue peu courante de l'avant-port du Havre.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très complexe ton étude des effets de la crise sur le trafic maritime, très complexe mais complet et de qualité. On se rend compte, la aussi, et je dirais, la encore, qu'on a essayé de faire porter le chapeau d'une partie de cette crise, sur la promulgation des nouvelles lois sociales.
Quant à ta carte postale, elle a été prise du toit de l'ancien musée qui était au bout de la rue de paris.

harel a dit…

Merci pour la localisation de la prise de vue.