mercredi 1 juin 2011

Fort de Sainte-Adresse Pages d'histoire






La ville du Havre fait actuellement des recherches historiques sur le fort de Sainte-Adresse. celui-ci a pris désormais le nom de "jardins suspendus". C'est l'occasion de présenter deux illustrations, dont une peu connue, sur cet endroit où des générations de militaires ont vécu.




Quelques éléments de recherches, complémentaires aux articles que j'avais rédigés sur ce sujet, permettent de dire qu'une briqueterie fut ouverte spécialement pour la construction du fort de Sainte-Adresse. C'est en tout cas ce qu'écrit Louis Cayeux ( Bulletin de la Société préhistorique française. 1960, tome 57, p 156 ). La briqueterie se trouvait à l'emplacement du cimetière de Sanvic. En 1963, on venait d'ailleurs de retrouver récemment à cet endroit des vestiges de fours et le terrain "était rempli de débris de briques brûlées et de terre cuite". Louis Cayeux indique de manière intéressante que le fort de Tourneville avait aussi sa propre briqueterie située à l'angle Sud-Ouest du cimetière Sainte-Marie.




Le fort de Sainte-Adresse avait pour but d'appuyer la batterie de Sainte-Adresse, défendre une partie de la rade et de maîtriser le plateau de Sanvic. Il se trouvait aussi non loin de la route qui mène du Havre à Etretat. Ce dernier élément est rarement souligné. L'Etat prévoyait de mettre 300 hommes dans ce fort ( procès-verbal des séances de la Chambre des députés, Année 1846 )
A l'époque, on craignait surtout une attaque maritime de la Grande-Bretagne.




La légende prétend que les prisonniers russes ont travaillé à la construction du fort de Sainte-Adresse. La réalité modère ce propos. Il s'agit principalement de prisonniers d'origine polonaise. Un extrait du journal du Havre ( repris dans La guerre : histoire complète des opérations militaires en Orient, volume 3, de Jules Ladimir et Honoré Arnoul , p 79) parle des prisonniers et de leur vie quotidienne.




" Depuis le commencement de la guerre, les prisonniers russes ont été, en France, comme nous l'avons dit déjà, l'objet des mesures les plus bienveillantes. Le Journal du Havre publie les détails suivants sur l'arrivée et l'installation d'un certain nombre d'entre eux dans cette ville vers le milieu de juillet : " Un sentiment d'intérêt et de curiosité tout à la fois s'est manifesté dans notre population à l'arrivée des prisonniers russes, et nous avons dit déjà que c'est au milieu d'une énorme affluence que s'est opéré leur débarquement. Nous croyons donc que les détails suivants, relatifs à l'installation et à l'organisation de ces hommes sur les chantiers de travaux des forts seront lus avec quelque intérêt. On sait que les prisonniers ont été divisés en deux fractions et dirigés sur les forts de Tourneville et de Sainte-Adresse. Les renseignements qui suivent se rapportent à ces derniers. Au haut du versant de la partie ouest de la côte de Sanvic
se trouve un vaste terrain entouré de pals; c'est dans cet enclos, dont l'accès est interdit, que sont les constructions destinées aux prisonniers. Ces constructions se composent de deux corps de bâtiments longs et étroits, édifiés parallèlement et servant de dortoirs aux prisonniers, d'une cuisine à leur usage, d'un corps-de-garde pour le piquet des hommes de la ligne et du logement de la gendarmerie. La position, qui domine la mer, est fort belle et surtout très salubre. Un lit de camp exhaussé de terre d'environ un mètre règne de chaque côté dans toute la longueur des dortoirs, et chaque prisonnier y a une place marquée, une paillasse et une bonne couverture. Des planches établies à une certaine hauteur lui servent d'armoire et lui permettent de déposer ses effets d'habillement, son sac, son pain et ses ustensiles. La propreté de ces dortoirs est remarquable, et il faut aussi faire observer que le préjugé qui impute assez volontiers aux Russes une propension à la négligence des soins de leur personne et de leur intérieur n'est guère justifié par ce qui se passe à Sainte-Adresse. Non seulement, en effet, leur logement est tenu avec une scrupuleuse propreté, mais les prisonniers, qui appartiennent cependant, pour le plus grand nombre, aux classes inférieures de la société, témoignent d'habitudes sévères à cet égard.
Ainsi, deux fois par jour, aux heures de repos, ils se livrent à des ablutions répétées, et, lorsque l'heure du travail a cessé, on les voit consacrer leurs premiers moments de liberté à se nettoyer, à se laver, à se brosser et à réparer le désordre de leur toilette. Aux deux extrémités de chaque dortoir, on remarque une place réservée aux objets du culte : ce sont des plaques de cuivre estampé représentant des scènes de piété, des petits tableaux, dont l'un, peint sur bois, nous a paru de quelque mérite; des croix du culte orthodoxe grec, en étoffe ou découpées en papier argenté. Des oeuvres dessinées de la main des prisonniers y figurent aussi. eEles font plus honneur à leurs sentiments religieux qu'à leur talent. Un groupe de têtes d'anges et une Ascension du Christ nous ont paru, entre autres, des types curieux de naïveté. C'est devant ces emblèmes que les prisonniers, qui professent en majeure partie la religion orthodoxe, font leurs dévotions le matin, le soir et le dimanche.


En sortant des dortoirs nous avons visité la cuisine. C'est un petit bâtiment qui contient un fourneau sur lequel sont établies trois chaudières assez vastes. La nourriture des prisonniers est préparée par quatre des leurs. Elle se compose de l'ordinaire du soldat, c'est-à-dire la soupe et le boeuf à neuf heures du matin, et le même repas à six heures du soir. On y ajoutera probablement un plat de légumes que les prisonniers paieront à part sur le produit de leur travail. Mentionnons encore ici l'excessive propreté de la cuisine dans laquelle tous les ustensiles sont luisants et parfaitement récurés. La journée de travail des prisonniers commence, en cette saison, à cinq heures du matin, et elle se termine à six heures du soir. Deux heures de repos leur sont accordées, de neuf heures à dix heures, et de deux heures à trois heures. Le dimanche est consacré au repos et aux exercices religieux. Onze de ces prisonniers sont catholiques romains. Ils ont assisté, dimanche dernier, à la messe dans l'église de Sanvic, sous la conduite d'un surveillant. Quatre sont protestants. Le gouvernement français accorde aux prisonniers russes une solde suffisante sur laquelle un tiers est consacré à l'ordinaire, un tiers à la masse et l'autre tiers à la poche. Mais la position de ceux qui travaillent sera encore améliorée, car il leur sera accordé, à ce que l'on croit, à titre de paie, 40 centimes pour les ouvriers et 60 centimes pour les surveillants. Les prisonniers paraissent devoir faire de bons travailleurs; ils accomplissent leur tâche avec conscience et ne perdent pas de temps. Ils sont également fort tranquilles et disciplinés. L'appel se fait soir et matin dans les chambrées par les soins de la gendarmerie. Les surveillants rassemblent leur escouade, et cette opération s'accomplit avec un ordre et une promptitude extrêmes. Un seul des prisonniers du fort de Sainte-Adresse parle le français de façon à se faire comprendre. Il sert d'interprète à ses camarades et à l'autorité pour toutes les réclamations ou les besoins du service. cCest un jeune sous-officier pris à Bomarsund et élève d'une école militaire. La garde et la surveillance des casernes occupées par les Russes sont confiées à un détachement de quatre gendarmes, sous la conduite d'un maréchal-des-logis et d'un piquet de huit hommes de la ligne. (...) Postérieurement, on lisait dans le même journal : "Quelques-uns des prisonniers russes employés à la construction du fort de Sainte-Adresse, ayant refusé, hier lundi, de se mettre au travail, M le commandant de place s'est transporté sur les lieux accompagné d'un certain nombre de gendarmes. A son arrivée, on a fait mettre en rang les douze prisonniers qui se montraient les plus mutins, et on les a avertis que, s'ils ne rentraient pas immédiatement dans l'ordre, ils seraient conduits en prison. Cette menace a produit son effet sur dix d'entre eux qui ont demandé à se mettre au travail; deux seulement, ayant persisté dans leur refus, ont été dirigés sur la prison du Havre."

Le 2 août 1855, 209 prisonniers quittèrent Le Havre. Ils furent débarqués dans le port russe de Libau en Courlande. Un nouveau groupe de 200 prisonniers quitta le havre le 17 août 1855. Le 28 septembre, un autre groupe de 95 prisonniers ( dont 15 femmes et 8 enfants) sera embarqué au Havre pour la Russie. Tous les officiers russes furent libérés le 28 juillet 1855. (Source : Sainte-Alexandre-sur-Seine : Des origines à 1917, volume 1, p 132 de Nicolas Ross, 2005, Editions du Cerf). Pour information, l a ville de Libau est aujourd'hui en Lettonie.


Un archiprêtre russe, Monseigneur Wassilief rendit visite aux prisonniers au fort de Tourneville. Il resta peu de temps au Havre et il partit sans avoir eu le temps de visiter ceux du fort de Sainte-Adresse. (Source : Sainte-Alexandre-sur-Seine : Des origines à 1917, volume 1, de Nicolas Ross, 2005, Editions du Cerf). Il devait revenir les voir mais on ignore s'il le fît.




Recherche de témoignages par la ville du Havre :


Contact : Laure BRÉHIER
Direction des Espaces Verts
68, rue Gustave Flaubert
76084 Le Havre
Tél : 02.35.19.60.48

5 commentaires:

DAN a dit…

Très intéressante cette vie des prisonniers et ouvriers ayant construit les forts de Tourneville mais, ici surtout, de Sainte Adresse.
Peut être la police de caractère est-elle trop petite pour un écran d'ordinateur, j'ai eu un peu de mal à suivre le texte, alors je l'ai recopier sur une page de traitement de texte afin d'être plus lisible.
Mais un dernier mot, pourquoi ce nom de Sainte adresse pour un fort situé sur la commune de sanvic ?

jmh a dit…

Peut-être parce que ce fort avait pour but d'appuyer la batterie de Sainte-Adresse. je me souviens avoir entendu Madame Barot, des archives de la Ville du Havre, dire que c'était pour tromper l'ennemi. Comme à Moscou au 2@ e siècle où, si je me souviens bien, les plans de la ville étaient faux pour tromper l'adversaire.

DAN a dit…

Merci Jean-Michel pour ta réponse et pour la lisibilité de ton texte. C'est beaucoup mieux ainsi !
Bonne journée !

harel a dit…

Bonne journée sous le soleil.

phyll a dit…

merci Jean Michel pour cette belle et intéressante page d'Histoire!!!