lundi 27 octobre 2008

Benjamin Franklin, George Washington, le sculpteur Houdon


Le buste de Franklin par Houdon

La statue de Washington par Houdon


Je suis heureux d'avoir fait une "découverte" concernant l'histoire du Havre grâce à Internet. Cela permet de faire avancer, dans certains détails, la connaissance historique de notre ville. En effet, à ma connaissance, les informations suivantes ne se trouvent pas dans nos livres d'histoire havrais.

Alors que les éléctions présidentielles américaines approchent, il semble intéressant d'évoquer une relation " inédite " de notre ville avec un des plus célèbres présidents américains : " George Washington"

J'avais lu que Benjamin Franklin était passé au Havre mais je n'avais pas encore trouvé de détails à ce sujet. J'ai enfin " mis la main " sur un texte qui évoque son départ de Passy, dans la région parisienne, et sa venue dans notre ville : " Le célèbre Franklin est parti le 12 ( juillet 1785) de ce mois, pour se rendre au Havre; il y trouvera un paquebot qui le conduira dans la rade de Porthsmouth, où un bâtiment américain l'attend. Il voyage jusqu'au Havre dans les litières du Roi et il emmène avec lui son petit-fils et son arrière-petit-fils (Benjamin Bache et Temple Franklin : note de JMH). Il est suivi de plus de deux cents ballots ou malles remplies d'effets. Notre habile sculpteur Houdon se dispose à le rejoindre au Havre et passera avec lui dans l'Amérique septentrionale. Le voyage de cet artiste ne sera que de quatre à cinq mois. " (Correspondance secrète politique et littéraire, ou mémoires pour servir à l'histoire des Cours, des Sociétés et de la Littérature en france, depuis la mort de Louis XV, tome XVIII, Londres, 1790). J'ai modernisé l'orthographe dans cet extrait. En fait, c'est une des litières, portée par deux très grandes mules, de la reine Marie-Antoinette qui avait été prêtée à Franklin. Celui-ci souffrait de la maladie douloureuse appelée gravelle et ne pouvait supporter la voiture.

D'après la correspondance d'Helvetius, Benjamin Franklin arriva au Havre le 18 juillet à 17 heures. Il avait auparavant passé la nuit du 14 juillet à Gaillon, les nuits du 15 et 16 à Rouen et celle du 17 à Bolbec ( dîner à Yvetot dans la journée). Franklin alla loger chez Monsieur et madame Ruellan au Havre.

Le 19 juillet 1785, Benjamin Franklin écrit une lettre du Havre à Madame Helvetius : " Nous arrivamons ici, ma très chère amie, hier au soir, bienheureusement. Je n'étais pas fatigué du tout. Je me trouvais mieux même qu'avant mon départ. Nous resterons ici quelques jours pour nos bagages et pour notre compagnon de voyage, M Houdon. A leur arrivée, nous quitterons la France, le pays du monde que j'aime le plus; et j'y laisserai ma chère Helvetia. Elle y peut être heureux. Je ne suis sûr d'être heureux en Amérique mais il faut que m'y rende. Il me semble que les choses sont mal arrangés dans ce bas monde quand je vois que les êtres si faits pour être ensemble sont obligés à se séparer. J'ai trouvé tant de difficultés dans mon projet de passer de Rouen à ici par eau, que j'étais fort aise de l'avoir obtenu du bon duc de Coigny la permission de continuer en litière. " J'ai modernisé et rectifié l'orthographe. La lettre continue ensuite.
Au Havre, Monsieur Limosin ( ou Limozen), banquier, propose plusieurs navires pour le départ. Franklin en attend un en provenance de Southampton. Celui-ci parvient au Havre le 20 juillet mais le départ a lieu seulement deux jours plus tard à cause de vents contraires.
Le sculpteur Houdon, arrivé au Havre le 20 juillet, s'embarqua avec Franklin le 22 juillet 1785. Le malheur voulut que le matériel de sculpture ( argile, outils) de Houdon ainsi que toute sa garde-robe restèrent dans un entrepôt du port du Havre quelques mois. En effet, ils étaient arrivés par bateau, en retard et le sculpteur dut partir sans eux. Il y avait aussi, parmi ces objets, quelques statues, notamment Diane , que Houdon voulait présenter aux Etats-Unis. Une nouvelle énigme serait de rechercher où se trouve exactement cette oeuvre aujourd'hui. En cherchant bien, on trouverait peut-être. Finalement, un navire emporta tout cela aux Etats-Unis à l'automne 1785 et c'est seulement en février 1786 que tout parvint enfin à Philadelphie alors que le sculpteur Houdon était déjà reparti en France.
Franklin et Houdon arrivèrent à Philadelphie le 14 septembre. Il est essentiel de noter que Houdon fut l'un des seuls artistes européens à aller en voyage en Amérique du Nord à cette époque. L'histoire avec notre ville ne s'arrête pas là et semble tout-à-fait tombée dans l'oubli. Houdon, en Amérique, à Mount-Vernon, entreprit un masque sur le vif de George Washington, commença un premier buste et prit des mesures afin de réaliser une statue en marbre de deux mètres de haut. Celle-ci, commandée à l'origine par l'assemblée de Virginie, fut réalisée dans son atelier de Paris. Elle fut convoyée au Havre en 1796 et installée dans le capitole de Richmond où elle se trouve encore de nos jours !
Il me semblerait donc utile de rendre hommage,un jour, dans notre ville, à Houdon, cet artiste majeur. Je vous place en photo le buste de Benjamin Franklin par Houdon. Cette oeuvre se trouve au musée d'art de Philadelphie. Ce cliché a été pris à l'occasion du trois-centième anniversaire de la naissance de Benjamin Franklin en 2006.

ps: l'article en anglais de Charles F Jenkins, sur le retour de France de Benjamin Franklin, datant du 27 décembre 1948, à la page 417 du volume 92 des Proceedings de l'American Philosophical Society, m'a fourni aussi des éléments inédits de première importance.

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